De la guerre en Palestine à la rue en Belgique
L'attention politique et médiatique pour les nombreux demandeurs de protection internationale (les "demandeurs d'asile") qui dorment dans la rue a complètement disparu. Le fait que la “loi accueil” soit violée depuis plus de 3 ans est devenu la règle ; plus personne ne s'en étonne. Seules les personnes directement touchées par des nuisances ou en contact quotidien avec ces demandeurs d’asile, comme l'asbl bruxelloise Pigment, tirent encore la sonnette d'alarme.
Même les 10.000 condamnations par le tribunal du travail n'incitent pas Nicole De Moor, secrétaire d'Etat à l'Asile et la Migration, à agir. Cette situation illégale persistante implique que nous ne pouvons plus parler d'une "crise de l'accueil", mais bien d'une "politique de non-accueil". Le problème n'est pas qu'il y ait trop de personnes demandant protection en Belgique, mais l'absence de volonté politique pour les accueillir.
Toute personne qui demande la protection internationale en Belgique a droit à l’accueil. Fedasil, l'organisme chargé de l'organisation de cet accueil, laisse principalement les hommes isolés à la rue. Des structures d'hébergement d'urgence comme Samusocial, Croix-Rouge et le Platform Citoyenne BelRefugees, qui normalement n'accueillent que des personnes sans-abri, hébergent temporairement des demandeurs d'asile qui ont normalement droit à l’accueil. Ces associations font ce qu'elles peuvent, mais sont désormais totalement saturées. Par conséquent, de nombreuses personnes survivent dans la rue, notamment de nombreux Palestiniens qui ont fui la guerre.
L'asbl Pigment, une association bruxelloise de lutte contre la pauvreté qui soutient les personnes en séjour précaire, est l'une des associations confrontées à cette situation absurde et inhumaine. Chaque lundi, pendant leur accueil ouvert avec permanence socio juridique, quelque 35 Palestiniens supplient de les aider à trouver un hébergement, qui leur a été refusé par Fedasil. Les travailleurs de l'association sont confrontés au désespoir de ces réfugiés, mais n'ont pas de solution. Jusqu'à tard dans la nuit, ils reçoivent des messages WhatsApp de Palestiniens épuisés qui passent la nuit dehors.
Un exemple :
Peace be upon you. I am sitting in the park and the rain is falling on me. Please find me a solution. I swear to God I can’t stand it. I am crying because of the heavy rain falling on me.
Ces réfugiés palestiniens viennent d'une zone occupée et dévastée par des attaques ; chacun porte les traumatismes de la guerre, tous ont perdu des proches et vivent dans l'incertitude quant au sort de leurs proches. Beaucoup souffrent de blessures physiques: perte d'audition due aux bombes, brûlures mal soignées, éclats d'obus et balles dans le corps, etc. Ces personnes ont besoin de repos et de soins, mais elles sont délibérément abandonnées à leur sort. En plus de leurs traumatismes de guerre, elles subissent de nouvelles blessures.
Le secteur social de première ligne est dans une impasse sous un gouvernement qui ne prend pas ses responsabilités. Les travailleurs sociaux sont déjà en sous-effectif pour accomplir leur mission. Eux aussi s'épuisent et ont de moins en moins de temps et d'énergie pour les personnes qui ont besoin de leur attention. Ainsi, l'échec de la politique d'accueil affecte non seulement les demandeurs de protection internationale, mais aussi d'autres personnes dans des situations extrêmement vulnérables. La concurrence entre différents groupes vulnérables dans la société s'intensifie. Les politiciens ne sont pas confrontés à cette réalité, ce sont les travailleurs de première ligne qui doivent tout encaisser. Et la situation des personnes concernées se dégrade de jour en jour.
Premièrement, nous attendons des responsables politiques qu'ils valorisent et financent le travail social de première ligne comme il se doit. Les structures d'hébergement d'urgence doivent recevoir la capacité nécessaire et les associations qui offrent un accompagnement social doivent obtenir suffisamment de moyens pour soutenir toutes les personnes de manière qualitative.
Deuxièmement, nous appelons avec urgence l'État belge à respecter sa propre législation et à organiser un accueil humain pour toutes les personnes qui y ont droit. Chaque politicien n'a-t-il pas juré, lors de son serment : "Je jure fidélité au Roi, obéissance à la Constitution et aux lois du peuple belge." On parle des droits et des devoirs, cela ne s'applique-t-il pas aussi aux responsables de ce pays ? La politique de non-accueil a déjà un impact énorme sur les demandeurs d'asile, les travailleurs de première ligne et d'autres groupes vulnérables dans la société. Selon les informations provenant de la formation du gouvernement fédéral, les partis politiques autour de la table souhaitent encore réduire le nombre de places d'accueil. Ce n'est pas seulement de la pure politique de l'autruche, mais aussi une véritable catastrophe humanitaire.
Auteurs : Ellen De Leener (Pigment asbl) et Christa Matthys (Brussels Platform Armoede)
Bio : Ellen De Leener est travailleuse sociale chez Pigment asbl. Elle travaille depuis plus de dix ans avec des personnes en séjour précaire. Christa Matthys est chargée de politique au Brussels Platform Armoede.